Chez les Miaos aux longues cornes de bois - Village de Suoga dans la province de Guizhou (Chine)
Je me trouve actuellement dans un bus chinois en compagnie de deux amis. Nous avons quitté Kumning, la grande ville du Yunnan, depuis quelques jours et nous allons à la rencontre des nombreuses ethnies vivant dans cette province. Le Yunnan regroupe pratiquement la moitié des ethnies reconnues officiellement en Chine. Nous venons de traverser la magnifique région des rizières en terrasse de Yuanyang.
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Nous sommes à la recherche des Miao à grandes cornes de bois dont les femmes sont reconnaissables à leur énorme coiffure.
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Interrogé sur cette ethnie, le chauffeur du bus nous conseille de descendre au village de Jinping où nous devrions satisfaire notre curiosité. Nous trouvons une chambre dans un petit hôtel local; ce n'est pas très propre et les lits ont manifestement déjà servi! On installe donc nos sacs de couchage par terre et nous partons à la découverte du village. Un de mes amis qui parle un peu chinois, apprend qu'il y a un gros marché demain à une heure de bus d'ici.
Le lendemain nous partons donc pour le marché en question. Nous ne sommes pas déçus car nous rencontrons une bonne dizaine d'ethnies toutes aussi étonnantes les unes que les autres. La tenue la plus spectaculaire est sans conteste celle des femmes Miao Fleuries dont la coiffe ressemble à un abat-jour! Il y a également des Lahu dont la coiffe ressemble à une casquette, des Lao avec leur haute coiffure noire et liseré bleu et aussi des Yao avec leur cornette rigolote. Les hommes ne présentent pas de tenue remarquable mais fument souvent d'énormes pipes à eau.
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Après quelques jours passés dans la région à visiter les villages autour de Jinping, nous poursuivons notre périple vers l'est en direction de la province du Guizhou. Nous logeons souvent chez l'habitant où nous nous trouvons pour le nouvel an chinois . Nous avons beaucoup trinqué avec nos hôtes; l'alcool de riz et la soupe chinoise ne font pas trop bon ménage! Nous avons même essayé de fumer la pipe à eau... Nous questionnons nos différents hôtes sur les Miao à grandes cornes de bois mais ils ne semblent pas connaître.
Chemin faisant nous traversons de nombreuses bananeraies et quelle n'est pas notre surprise de voir inscrit sur certains emballages « PRODUCT OF ECUADOR »!
Enfin un des chauffeurs de bus a entendu parlé d'un village où habiteraient des Miao à grandes cornes de bois ; il s'agit du village de Suoga. Il nous faut reprendre les bus de ligne car c'est assez loin. Nous traversons de nombreux villages. Bercé par le bruit du moteur, je me suis assoupi. Je suis réveillé par un de mes amis qui m'annonce qu'on descend pour voir le marché de la grande ville de Tingdong. Là encore nous avons droit à un festival vestimentaire où les différences ethniques se font surtout par la forme des tabliers ou par le style de la coupe de cheveux des femmes.
Nous sommes toujours à la recherche des fameux Miao à grandes cornes de bois. Mais il y a de quoi s'y perdre avec toutes ces sortes de Miao. Heureusement notre chinois plus que rudimentaire nous permet de demander notre chemin. Car trouver Suoga n'est pas chose facile, surtout que le village ne figure pas sur notre carte routière compte tenu de son échelle ! Enfin un taxi qui connaît et accepte de nous y conduire.
C'est en pleine montagne et la route qui y mène est difficilement praticable pour un véhicule ordinaire. L'état de la route s'aggravant, le chauffeur du taxi refuse d'aller plus loin. Nous terminons le dernier kilomètre à pied. Le village est tout petit, à peine une cinquantaine de maisons mais les gens sont très accueillants. On trouve tout de suite où loger chez l'habitant; on décide d'y rester deux nuits et de vivre une journée complète avec les Miao à grandes cornes de bois. Leur coiffure est vraiment impressionnante, au moins soixante dix à quatre vingt centimètres de large. Le soir arrive vite et nous rentrons chez nos hôtes qui ont préparé un peu de riz et des légumes sur un feu, style fourneau malgache, trônant au milieu de la pièce. Je m'aperçois que c'est la seule et unique pièce de la maison et qu'il faudra partager avec la famille qui compte au moins huit personnes. Je me demande comment nous allons nous organiser. Devant mon air interrogatif le grand père de la maison m'indique une sorte de mezzanine accessible par une échelle. C'est le coin des enfants. Il me montre deux lits que l'on distingue dans l'obscurité pour les parents et les grands parents. Nous dînons à la lumière de nos lampes de têtes et du feu de bois car il n'y a pas d'électricité dans le village. Nous installons tant bien que mal nos sacs de couchage sur la terre battue et sombrons rapidement dans un sommeil réparateur.
Le lendemain matin, dès l'aube, nous avons tout le loisir d'assister à la mise en place de la fameuse coiffure par la maîtresse de maison. Sur le devant de la maison, incrustée dans le mur, il y a une petite glace. Elle commence par fixer fermement une sorte de corne en bois à son chignon. Devant la petite glace, elle enroule ensuite en nid d'abeille une longue écharpe noire de plusieurs mètres autour de la corne. Enfin elle fixe le tout à l'aide d'un ruban blanc.
Je remarque que chaque maison est équipée de la fameuse petite glace et que toutes les femmes du village sont actuellement occupées à l'installation de leur volumineuse coiffe. Il semblerait que les femmes Miao s'équipent de la sorte pour vaquer à leurs occupations quotidienne. Il nous faut bien sûr essayer les coiffures sous les rires de l'assistance. Personnellement cela ne me va pas trop mal, mais c'est assez lourd, plusieurs kilos. Nous pouvons nous promener dans tout le village et les gens nous invitent à entrer chez eux. Ils sont contents de nous faire visiter. Une femme tient absolument à nous montrer son antique métier à tisser et nous faire une démonstration de ses talents. Demain, nous devons quitter ce sympathique endroit pour Guiyang, la capitale régionale.
Nous rejoignons la route principale à pied; les villageois ont mis nos sacs sur des buffles. Ils restent avec nous jusqu'au passage d'un bus; encore des adieux émouvants! Nous continuons notre voyage vers la grande ville de Guiyang en bus; cela devrait prendre au moins une journée..
Le soir nous trouvons à dormir chez une femme d'un certain âge qui nous prépare également le dîner. Pendant le repas arrive une très vieille femme, la mère de notre hôtesse. Je m'aperçois qu'elle a la démarche hésitante et je regarde, stupéfait, la taille de ses chaussures. Mes compagnons de voyage l'ont également remarqué.
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C'est une femme aux petits pieds; elle doit être une des rares survivantes de cette coutume ancestrale des pieds bandés qui a survécu en Chine jusqu'au début du XXe siècle. C'était un soi-disant critère de beauté dans l'aristocratie. L'interdiction de cette pratique remonte à la chute de la dynastie Qing en 1912 et fût décidée par le gouvernement de la première république de Chine.. Mais en réalité elle a été vraiment interdite en 1949 par la République Populaire de Chine. La dame a accepté de se laisser prendre en photo. Elle semble très fière de montrer son « infirmité ». Elle veut ôter ses petites chaussures pour nous montrer ses pieds. Nous la laissons faire tout curieux de voir cela. Affreux, il n'y a pas d'autres mots; les doigts de pieds sont passés sous la plante des pieds et forment un magma informe ; le tout ne dépassant pas les dix centimètres. Aucun d'entre nous n'a envie de prendre une photo ! La fille explique que la taille idéale du pied, selon la référence de l'époque, doit être de sept à huit centimètres. C'est la taille nommée le « lotus d'or ».
Le lendemain matin nous quittons nos hôtesses après une nuit de cauchemars et de monstres aux petits pieds! Je n'oublierai jamais cette vision!
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